Le Yoga selon Eva Ruchpaul : Dans la confidence du souffle

Extraits du livre de Colette Poggi : Dans la confidence du souffle : rencontre avec Eva Ruchpaul, une Yogini impertinente ( 2021)

Je n’ai pas suivi l’enseignement d’Eva Ruchpaul –  je me suis formée à l’enseignement de Yoga à l’EFY (Ecole Française de Yoga de Paris) – mais lire le livre de Colette Poggi – qui retrace le parcours de cette enseignante de Yoga âgée aujourd’hui de plus de 90 ans – me semble essentiel quand on s’intéresse au Yoga : qu’on le pratique, qu’on l’enseigne, que l’on s’initie à ses textes philosophiqes…

Ce livre me semble très utile, d’abord pour bien comprendre ce qu’est le Yoga – et ce qu’il n’est pas ? – ensuite parce qu’il est très bien écrit : je suis particulièrement sensible à l’harmonie de l’écriture ! Cet entretien mené par Colette Poggi – sanskritiste et indianiste, docteur en philosophie comparée – est à la fois intelligent, pertinent, clair et poétique.

En tant que professeure (et toujours élève ?) de Yoga, j’ai eu un grand plaisir et une grande émotion à lire ce livre qui rend un très bel hommage au Yoga. ?
J’ai eu envie de vous en partager quelques extraits que, par souci de clarté et dans un esprit de synthèse, j’ai présentés en plusieurs paragraphes thématiques distincts.

 

Grâce au travail de traduction de la sanskritiste Colette Poggi, auteure de ce livre, on comprend que revenir au sens premier des mots est une exploration éclairante nécessaire pour comprendre ce que l’on ressent et mettre du sens dans ce que l’on fait ! Etant moi même traductrice littéraire, je ne peux qu’approuver cette quête et mise en lumière des mots.

 

Le Yoga est une voie de transformation visant la libération.

 

« Vivre une séance de Yoga comme se déroule une existence et une vie comme un temps de pratique ».

 

C’est quoi le Yoga ?

 

Le Yoga est un art de la simplicité, une aventure qui ne rapporte rien, que de la vie en plus, une patiente exploration intérieure, un intime et imprévisible voyage.

Une leçon de Yoga est une lecture de la réalité provisoire, celle que nous sommes.
Le Yoga nous pose en réalité la question du « Qui suis je ? ».

Il nous permet la mise en terre d’un fardeau et l’acquisition d’un trésor oublié.
Il nous enseigne à être acteur.trice de notre vie et conduit à la coexistence pacifique avec soi même, à agir selon et avec soi plutôt que contre soi, à pratiquer la justesse en toute chose.

C’est un état d’esprit à dévoiler, ce n’est pas une activité extérieure, et ce n’est surtout pas une recherche de performance ! C’est une manière de se rendre disponible, de sculpter du dedans corps, souffle et conscience.

Si la pratique du yoga peut parfois susciter des perceptions surnaturelles, là n’est pas l’essentiel : il y a même un réel danger à se laisser fasciner par ces diversions !!
Il s’agit d’avoir une approche simple et juste du Yoga, et de pratiquer avec discernement : en un mot, d’ouvrir un espace de conscience.

Le fleuve de la Vie coulant en chacun trouve parfois des obstacles de diverses natures, somatiques, psychiques, conscients ou non-conscients la plupart du temps.
Le Yoga nous invite à contempler notre univers intérieur. Cette recherche de compréhension initiée par les Yogis, ressemble à une célébration.
Avec le Yoga, on s’initie à la non identification (au corps/aux pensées/aux émotions/aux souvenirs/aux objets/etc.).

Le but du Yoga ? Être mieux dans sa vie.
La vocation du Yoga ? Se sentir partie d’un tout, élément essentiel d’un tout, qui mérite, lui aussi, bien-veillance. Et faciliter aux chercheurs l’accès à « ce merveilleux jardin de soi ».
La pratique bien menée permet aussi de s’élever vers la lumière.

 

Le corps :

Le corps-jardin : « ce merveilleux jardin de soi ».

Le corps médium. Le corps-mémoire. Le corps-conscience.

Quand on parle de corps en Yoga, on ne pense pas uniquement au corps physique, mais à tous nos autres corps ou enveloppes qu’on appelle les Kosha. Il y a bien en nous un emboîtement de ces différents espaces, à la manière des poupées russes.

Notre corps subtil – médiateur entre corps grossier (physique) et corps causal (conscience originelle) – lui même compte 3 dimensions :
Prâna : le souffle-énergie
Manas : l’organe mental (la faculté de penser)
Vijnâna : l’aptitude au discernement et à la clairvoyance

Comment prendre les postures de Yoga (Asâna) ?
Il s’agit à la fois d’une construction architecturée ET d’une déconstruction. Quand on pratique les postures, posons nous la question : « ce serait comment si c’était facile ?? »
Oui, faire comme si c’était facile !

Pratiquer le Yoga c’est comme jardiner : la conscience est comme le jardinier qui arrose le jardin-corps avec la fluidité du souffle qui ressemble à l’eau qui coule.
Nous sommes à la fois l’eau, le jardin et le jardinier !

« Le jardin de notre corps se désaltère de la fluidité du souffle ».

 

Le voyage :

Le Yoga est un intime, un imprévisible voyage, aux antipodes de la routine.
Un voyage au coeur de notre labyrinthe intérieur.

Voyager, c’est savoir (se) perdre pour (se) trouver, c’est explorer sans chercher à explorer.
Alors peut surgir ce qu’on nomme joliment « sérendipité » (d’après l’anglais « serendipity») : le fait de trouver ce qu’on ne cherchait pas.

Le souffle-énergie : Prâna

« L’attention au souffle ne s’écrit qu’au présent. »

 

L’attention au souffle  :

C’est un retour vers soi, un antidote à la distraction, à la dispersion, et à l’oubli de soi.
Le Prâna est notre vraie patrie : à la fois expérience individuelle et universelle.
Les exercices de Yoga (Asâna – Pranâyama) nous permettent de sentir dans notre corps cet axe médian où circule le souffle.
Les exercices qui permettent de sceller l’énergie dans le corps (Bandha) génèrent un surcroît d’énergie – de Prâna – qui s’engrange dans notre espace vital et le métamorphose. C’est le goût de vivre qui croît et fleurit notre jardin.

Souffle-silence-unité :

Le corps, le souffle et la conscience obéissent au même rythme de l’énergie où alternent vide et plein.
Le souffle, par son principe unificateur,  crée l’harmonisation entre l’émotionnel et le mental.
Le corps de souffle (Pranamayakosha) unit le corps physique et le corps subtil.
La respiration ouvre à une expérience de complétude : « ça vient tout seul quand on respire ! ».

Pour se saluer en Inde, on prononce le mot NAMASTE : « De mon souffle à ton souffle, de mon coeur à ton coeur ».

Le « ne-rien-faire » :

La posture est toujours suivie d’un « temps de rien ». C’est une qualité essentielle du Yogin/de la Yogini !

La grâce du rien-à-faire. Se mettre au large. Faire halte.

Ressentir et puiser dans cette fécondité de la vacance (dans le sens de vacuité) est l’une des richesses du Yoga, quand bien souvent nous cherchons à combler ce vide qui nous effraie : par des actions/des objets/des pensées, des tas de choses inutiles au final.

Eva compare l’expérience des mantras (qu’elle n’utilise pas dans son enseignement), à celle, profonde, du « silence qui est notre meilleur allié ».

 

La méditation (Dhyana ) :

Comme Asâna (la posture) et Prânayama (l’exercice respiratoire), la méditation fait partie des Huit branches du Yoga selon Patanjali tel qu’il le décrit dans les Yoga Sutra.

Méditer, c’est le fait de se poser dans le centre, avec confiance, dans la stabilité et dans la sérénité.
C’est désemplir le coeur-esprit afin de ne pas le laisser se surcharger de pensées/émotions/mémoires trop lourdes à porter.

 

L’espace :
Faire de l’espace en soi pour mieux accueillir :

Cela implique un processus de nettoyage car il faut bien se vider pour pouvoir accueillir : c’est effectivement tout le propos du Yoga !
Cela permet d’éloigner l’angoisse qui, à l’opposé, est la sensation d’être à l’étroit (dans ses pensées). Etymologiquement, le mot « angoisse » vient du latin « angustia » qui signifie un espace restreint, comme un défilé de montagne.
Eva parle en particulier de « la grande angoisse inhérente à ce dont on dépend » : ces attachements qui nous font tant souffrir.

En particulier, l’ouverture de la gorge est associée à la détente car le fond de la gorge est le siège de l’angoisse.
L’espace intérieur dans lequel notre organisme « baigne » est fait de pensées, de mémoires cellulaires, d’impressions conscientes ou oubliées, de nos désirs, de nos intentions, des émotions passés et présentes…. Il s’agit de rendre plus limpide, fluide et paisible ce bain intérieur. Un changement prend alors place dans la relation à soi même et au monde.
En combinant la tenue de la posture et la respiration adéquate, ainsi que le silence, on assiste à la modification du bain intérieur.

Le monde intérieur et le monde extérieur sont une même réalité avec 2 visages.

Il s’agit d’être à la fois « souple dedans, souple dehors » !
Notre espace intérieur peut se ressentir et se vivre de 2 manières différentes :
– dukha (= malheur) : le fait d’être disjoint dans son espace intérieur, dé-centré.e
– sukha (= bonheur) : le fait d’être bien centré.e, heureux.se

La correspondance entre macrocosme et microcosme se vit à chaque instant dans l’expérience que nous faisons du Yoga :
– la lune et le soleil se reflétant dans les yeux gauche et droit respectivement
– la voûte céleste en correspondance avec la voûte crânienne
– l’axe médian du corps avec celui de l’Univers (= le mont Meru*)

*Dans la cosmogonie indienne, le mont Meru est l’axe central autour duquel sont disposés concentriquement les 7 continents séparés par 7 océans.

La doctrine du Shivaïsme du Cachemire repose sur la conception originale de la Conscience-Energie – « cit-shakti » – comme espace infini, incluant toute chose. Cet espace est lumière irradiante, animé d’une énergie qui est prise de conscience.
Cette conscience bienveillante a une incidence positive sur la santé.

Il s’agit de faire de nous mêmes un espace de maturation :

« L’homme naît cru, il doit devenir cuit » disait Goraksa, grand Yogi et alchimiste du XIIe siècle.

Puis Colette Poggi cite le très beau texte de Rainer Maria Rilke, L’Ouvert :

« Le pur espace dans lequel infiniment les fleurs s’épanouissent. Ce qui n’est nulle part et que rien ne limite : le pur, l’insurveillé, que l’on respire, que l’on sait infini et que l’on ne convoite pas ».

 

Enseigner le Yoga :

Qu’est ce qu’enseigner le Yoga ?
C’est le désir que le disciple/l’élève devienne ce qu’il est vraiment, qu’il accueille le « déjà-là ».
Enseigner le Yoga est un métier de service.
Le Guru, c’est le maître authentique, « lourd » de sens. L’étymologie de ce mot signifie « poids », de la même famille que les mots français « grave », « gravité ».

L’enseignement d’Eva Ruchpaul :

Pourquoi ce (très beau) titre, « dans la confidence du souffle » ? Parce qu’il y a dans le mot « confidence » un double sens : la confidence signifie à la fois confiance (comme dans le mot anglais « confidence ») ET secret.
La confiance est le principe de base. Le but est d’entrer en confiance avec soi même, en confiance et en détente. L’expérience d’un lâcher prise profond est un moment clef dans le cheminement vers la délivrance.
S’aimer : c’est à dire induire consciemment amour et attention vers soi.
Et se réjouir d’exister.

Les 4 points de conduite selon Eva :

– ne plus attendre de vivre
– retrouver l’innocence, le naturel
– se tenir à l’écoute de son potentiel/de son rythme du moment
– faire de soi un champ de conscience-énergie plus spacieux

L’un de ses credo est le : « Je préfère peu mais mieux ». Je suis tout à fait d’accord ! Pour moi, la qualité prime toujours sur la quantité. ?

La maladie/la santé :

Lorsqu’on fait l’expérience de la maladie, il y a 4 conditions à respecter :
– ne pas augmenter son potentiel de résistance
– accepter à temps le constat de son état
– se garder de la sédentarité du corps et de l’esprit
– négocier avec son inconscient la période où l’on accepte la maladie.

La cause de la souffrance est de ne pas voir qui l’on est vraiment. Ce à quoi on pourrait répondre en citant la célèbre maxime attribuée à Socrate :
“Connais toit toi même et tu connaîtras l’Univers et les dieux”.

 

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8 commentaires

Claudie le corre · 24/07/2021 à 15:57

Très bel article ma chère amie, toujours précis et concret. Merci !

GAELLE ADENOT · 24/07/2021 à 16:21

Merci Fabienne !
Tes séances de yoga, de méditation et de mindfulness (j’y reviens toujours), m’ont appris ce que tu reprends dans cet article : “Avec le Yoga, on s’initie à la non identification (au corps/aux pensées/aux émotions/aux souvenirs/aux objets/etc.).” Ce détachement est fondamental pour avancer et agir en cohérence avec ses valeurs. Et d’ailleurs la méditation me permet de garder cette distance, je me retrouve aussi totalement dans cette phrase : ” C’est désemplir le coeur-esprit afin de ne pas le laisser se surcharger de pensées/émotions/mémoires trop lourdes à porter.” Gaëlle

Valérie · 25/07/2021 à 10:43

Merci Fabienne pour ce très bel article qui résonne en moi. Je suis très impatiente de pratiquer avec toi, j’ai tant à apprendre encore sur ce passionnant chemin du yoga. Belle journée 🙂 Namaste

    Nina Costa · 25/07/2021 à 15:20

    Namaste Valérie ! ?
    Merci pour ton partage. Oui il y a tant à apprendre, le chemin de la Connaissance est infini…
    Ravie de t’accueillir à mon stage où je vous parlerai (entre autres) d’espace justement… ?

Anik Bihouée · 05/08/2021 à 15:27

J ai lu avec plaisir ton article précis, juste et qui m’apporte un complément d’information après ce stage que je viens de pratiquer ces jours ci avec toi et avec le groupe très sympa .
j’ai bien aimé “pratiquer le yoga c’est comme jardiner ” … la conscience le jardinier, le souffle l’eau, le corps le jardin .
Merci !

    Nina Costa · 09/08/2021 à 11:14

    Merci Anik pour ce partage ! ?
    Oui ce livre est très inspirant pour moi qui enseigne le Yoga et pour mes élèves aussi je crois !
    Soyons les jardiniers de note Vie afin e l’embellir toujours plus, malgré les tempêtes qui s’abattent sur nous en ce bas monde… ? ? ? ? ? ? ?

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